Rencontre de Pau sur Barkhane en France : L’heure de crever les abcès qui irritent

Rencontre de Pau sur Barkhane en France : L’heure de crever les abcès qui irritent

Les cinq présidents des pays membres du G5-Sahel iront à Pau. Le doute a désormais la consistance d’une toile d’araignée. Le président burkinabè l’a déjà annoncé. Du reste, il a diplomatiquement atomisé le caractère quasi vexatoire de cette convocation manu militari. Pour lui, c’est «une invitation à discuter et effectivement, de part et d’autre, il y a des choses à éclaircir» et le prend apparemment avec philosophie.

Pas besoin d’évoquer le cas du président malien Ibrahim Boubacar Kéita, qui avait clairement dit à ses compatriotes de ne «pas mordre la main tendue» de la France. Si le Mali et le Burkina y vont, difficile de que Mahamoudou Issoufou du Niger ne les accompagne pas.

Mohamed Ould Gazouani n’a certes pas besoin de Barkhane pour traiter les terroristes, mais par solidarité, il pourrait difficilement décliner … l’invitation. Le Warrior Idriss Déby a besoin de l’armée française pour «discuter» plus avec les rebelles qu’avec les bandes armées terroristes. Un tour à Pau ne lui ferait autrement pas mal. Le débat est donc clos à ce niveau.

Pour être présents, ils seront bien présents à Pau. Il reste maintenant à savoir ce qui se dira lors de cette rencontre pratiquement décidée sur le pif. Une question sera d’abord tranchée et très vite. Est-ce que les pays sahéliens veulent toujours de l’opération Barkhane sur leur natte ? Objectivement et avec l’épée de Damoclès de la réalité crue et cruelle sur le cou, les Chefs d’Etat du G5-Sahel, plus particulièrement le Burkina et le Mali, répondront difficilement par la négative. Du reste, le ministre burkinabè des Affaires étrangères, Alpha Barry, avait donné le ton. Oui, le Burkina et plus généralement, le Sahel, ne peut pas se passer, dans les conditions actuelles, des Mirages et des 4 500 hommes du phénix qui est né des cendres de l’opération Serval. Là-dessus, c’est une déclaration contraire qui sonnera les cloches de l’étonnement.

Cependant, là les choses pourraient être nuancées, et gagneraient à l’être une bonne fois pour toutes, ce sont quelques bizarreries qui accompagnent, telles des satellites, l’ombre de cette «aide» de l’armée française. Ces drôleries, à l’évocation, vont certainement  fâcher. Mais ce sont des abcès qu’il faut crever pour assainir les rapports entre la France et le Sahel, et entre l’armée française et les populations africaines.

Il s’agit d’abord de ces fameux aéronefs récemment évoqués par l’armée burkinabè, qui  survolent les zones d’opération des forces armées, sans dire ce qu’ils y font et quels desseins ils poursuivent. Ils peuvent être là pour peut-être aider. Ne pas se signaler à l’avance laisse planer des doutes et nourrit les méfiances. Surtout lorsqu’après, les forces armées maliennes, nigériennes ou burkinabè subissent des revers et des pertes considérables. Pourquoi ces «yeux» sont-ils au-dessus des casques des «amis» et aussi des turbans des «ennemis» sans qu’ils avertissent les premiers du danger que représentent les deuxièmes. Ne pas éclaircir cet aspect des choses continuera à gorger d’atomes gonflants ces suspicions sur le rôle trouble et troublant de l’armée française sur le sol africain.

Deuxième aspect important à dénouer, c’est bien la question de Kidal. Elle torture les Maliens, voire l’ensemble des Sahéliens. Il faudrait que la France explique pourquoi l’armée malienne n’arrive pas à y mettre les pieds et quels desseins (pacte, contrat) se cachent derrière ce statut ambigu de Kidal. Cette ville, non occupée représente, pour de nombreux observateurs, le déclencheur de tout ce qui arrive au reste du Sahel. Tant qu’elle restera une zone qui  échappe au contrôle de l’armée malienne, sous le truchement de l’armée française, le Sahel en pâtira.

Voilà quelques questions essentielles qui pourront servir de menu consistant à  cette rencontre qui s’annonce pour le moins, houleuse, et peut être décisive pour la suite des relations entre le Sahel et la France. Enfin, si elle ne sombre pas sous une avalanche de  génuflexions et de paroles creuses, peu sincères et superficielles. Gageons que non !

Ahmed BAMBARA

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