A-t-on eu tort de sous-estimer les talents de négociation du premier ministre éthiopien, Ahmed Abiy qui adossé à ce qu’il a engrangé chez lui en matière de réconciliation tente de rapprocher les frères soudanais ?
A l’évidence peut-être, puisque son représentant Mahamoud Dri, est parvenu, hier, à faire arrêter la désobéissance civile, et la promesse d’une reprise de l’arbre à palabre entre frères ennemis soudanais.
Débutée le 9 juin dernier au lendemain d’un massacre mémoriel qui aura fait 118 victimes, la désobéissance civile décrétée par l’Alliance pour la Liberté et le Changement (ALC) et la grève sont les deux armes anti-violences des manifestants soudanais contre des militaires qui ont finalement montré la face hideuse du régime déchu, dont ils sont comptables des faits et méfaits, et dont ils tentent de sauver les rébus.
On peut donc dire que le médiateur éthiopien a fait du bon travail, mais s’il est parvenu à cette sorte de trêve des confiseurs, ce n’est pas seulement par ses prouesses personnelles. D’autres facteurs y ont joué un rôle déterminant
Une désobéissance civile, autant elle est contraignante pour le régime qui fait face à des populations qui rechignent à obéir, autant elle est désastreuse pour les petites gens qui vivent au jour le jour, accrochés aux maigres ventes des produits des boutiques, des étals, sinon à la criée, d’autres vivant d’expédiants.
Elle n’a duré que 3 jours, cette désobéissance civile mais doublée d’une grève générale, elle s’avérait intenable pour le Soudanais lambda et c’est pourquoi l’ALC a vite compris qu’il y avait lieu de mettre un terme à un mouvement qui s’avérait mortifère pour ses éléments et surtout politiquement une telle opération faisait un peu l’affaire des militaires, qui, quoiqu’on dise ont la réalité du pouvoir.
Et maintenant que peut-on espérer de cette reprise de langue entre opposants et Conseil militaire de transition ? Difficile de répondre de façon franche à telle question, car premièrement, l’existant politique demeure volatile : Khartoum est toujours quadrillé par les militaires, les cheik-points sont légion et les hommes du général Hemetti n°2 du régime ne sont pas devenus subitement débonnaires, et c’est toujours le ventre noué par la peur que les populations essayent de vaquer à leurs occupations.
Ensuite, quel format prendra ce round de négociations d’après-massacres, car c’est tout de même très difficile de dialoguer avec les bourreaux de son père, son fils ou son oncle, en sachant que ces sicaires risquent d’être impunis.
Il y a donc les 118 tués qui seront un grand fossé à enjamber pour parvenir à un modus vivendi.
Et quand bien même on y parviendrait, quelles sera la composition de ce Conseil Souverain, que les civils veulent contrôler, et auquel s’opposent les militaires ? S’en tiendra-t-on au timing de 9 mois décrété par les militaires il y a une semaine ou ce sera un retour à l’éternité de 3 ans ? Qui pour diriger cette transition ? Le général Abdel Fatah Al-Burhan ou un civil consensuel ?
Il y a tellement d’impondérables, de désidératas, et surtout de calculs de part et d’autre, que ce nouveau dialogue, ne s’annonce pas tranquille.
A moins que l’Ethiopien Mahmoud Dri parvienne aux résultats éprouvés d’un Blaise Compaoré du Burkina Faso lors des interminables dialogues inter-guinéens, inter-Togolais et dans une moindre mesure entre les Ivoiriens. Ce dialogue inter-Soudanais saison II ne s’annonce pas sous de bons auspices. Mais comme tout est possible quand on se parle, on aimerait être démenti par la suite.
Sam CHRIS
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