Retour en flonflons pour le reprouvé du pouvoir béninois Boni Yayi, puisque plusieurs missi dominici de la CEDEAO l’ont raccompagné hier 20 novembre à Cotonou après 5 mois d’un exil mi-médical, mi-politique à Paris. Un come-back rendu possible grâce à une loi amnistiante prise par le chef de l’Etat Patrice Talon. Si le programme initial du fondateur de Forces Cauris pour un Bénin Emergent (FCBE) de ce retour prévoyait dès hier, une rencontre entre ce dernier et le président Patrice Talon, in fine, Boni Yayi a snobé ce rendez-vous, optant plutôt d’aller échanger avec l’opposant Nicéphore Soglo, et surtout présenter sa compassion à la famille de Prudence Amoussou, génitrice de 7 enfants tombée sous des balles des après-manif-post législatives du 28 avril 2019.
Patirce Talon se sera entretenu avec le président de la Commission de la CEDEAO, Jean Claude Brou Kassi, l’ex-président nigérian Abdulsalmi Abubakar, mais à l’évidence, il n’y a pas eu faux armistice ni d’accolade de Judas entre Boni et Talon qu’une inimitié quasi inextinguible sépare.
Pour tous ceux qui ont suivi le parcours des 2 hommes qui étaient très proches, qui ont ausculté la campagne, électorale de la présidentielle et les récentes réformes institutionnelle et constitutionnelle, opérées par Talon, devinaient aisément, que ce n’est pas au détour d’un retour temporaire (puisque Boni Yayi repart au Nigéria) que le dégel se fera entre eux.
Lors de la présidentielle où on s’est retrouvé avec un fauteuil pour 5 avec 2 milliardaires, Patrice talon, et Sébastien Ajavon, nombreux sont ceux qui avaient prédit que cette irruption du monde financier dans l’arène politique était lourd de bisbilles.
Prédiction appuyée sur le fait que Patrice Talon le Tycoon du coton doit sa fortune à Boni Yayi qui avait affirmé que si Talon est élu, ce sera le ciel qui lui tombera sur la tête.
Installé à la présidence, Talon n’a pas aussi montré les gages de bonne foi et d’amitié envers son prédécesseur. Une posture qui a été aggravée par sa perclusion de plus d’un mois à son domicile mitoyen de l’aéroport, consécutive à l’après-législatives et aux violences qui s’en sont suivies notament à Tchaoura au Nord, fief de Boni. Une résidence surveillée dont la levée de siège et l’exil parisien l’ont été sur l’intervention de plusieurs chefs d’Etat.
A vrai dire, Boni Yayi semble ne pas avoir digéré sa défaite et l’élection de Talon.
Ceci dit, il faut aussi convenir, que dès que Talon a pris ses quartiers au palais présidentiel de la Marina, il s’est attelé à imprimer sa marque, ce qui est normal, mais il a donné de plus en plus l’impression de créer un parti-Etat à tout le moins de mettre un bâillon sur l’Opposition.
Déjà en introduisant dans la nouvelle Constitution la limitation du nombre de mandats à deux «dans la vie» d’un président, alors que l’ancienne Loi fondamentale rendait possible une candidature plus de 2 fois consécutives, en faisant cela, Talon écartait de facto Boni Yayi. Toute loi est d’essence impersonnelle, et générale, lorsqu’elle semble viser une personne, elle est déjà inique et source de conflit. Talon n’échappe pas à ce grief.
Ensuite, comment expliquer que dans ce Bénin de tradition démocratique, on puisse avoir une Assemblée nationale monocolore, composée de députés tous acquis au pouvoir ? Et que dire de cette loi sur la reconnaissance légale des partis, qui fait que quasiment toutes les formations politiques sont de nos jours sans récépissé ?
On dit le président Talon, secret, imprévisible, têtu, méticuleux, et animé de la volonté de gérer en tant que PDG le Bénin Inc. Mais il gagnerait à y mettre de l’inclusion, du tact, car c’est un pays qui a toujours surfé sur la vague démocratique, même sous le retour du «caméléon» Kérékou, dans les années 90. Il gagnerait à œuvrer à ne pas toucher à ces fondamentaux démocratiques établis. Le Bénin peut bien se passer d’un baiser Boni Yayi-Patrice Talon, mais l’essentiel est de préserver ces acquis. Alors qu’avec toutes ces lois et la condamnation de Sébastien Ajavon à 20 ans, autre milliardaire et ex-compagnon politique de Talon, l’histoire semble repasser les plats. Patrice Talon aussi avait fui le Bénin, chassé par un certain …Boni Yayi. Les dirigeants passent mais le phare de la démocratie Ouest-africaine reste et ne doit pas pâlir.
Sam Chris
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