Retour de  Katumbi et Ilunkamba premier ministre en RDC : Tshisekedi s’émancipe, Kabila reste le deus ex machina politique

Retour de  Katumbi et Ilunkamba premier ministre en RDC : Tshisekedi s’émancipe, Kabila reste le deus ex machina politique

La surprise du chef n’a pas eu lieu. Finalement, 4 mois après avoir étrenné la présidence du Congo, c’est bien un nom qui revenait dans les salons Cosy, dans les gargotes, relayées par Radio-Trottoir et sa consœur Dame-Rumeur qui s’est imposé: Sylvestre Ilunga Ilunkamba. On peut épiloguer sur l’âge du capitaine, 74 ans, sur ses antécedants, mais c’est bien lui qui a tenu la corde.

Concomitamment à cette nomination du chef du gouvernement, un pachyderme politique du fleuve Congo revenait au bercail après 3 ans d’un exil forcé : Moïse Katumbi.

Journée donc chargée en République démocratique du Congo. Deux évènements majeurs ont secoué les lampadaires de la scène politique et perturbé l’atmosphère de la vie politique hier 21 mai 2019. L’arrivée de Moïse Katumbi en RDC et la nomination de Sylvestre Ilunga Ilunkamba comme chef du gouvernement jettent de nouveaux éclairages sur les rapports de force entre Joseph Kabila et Félix Tshisekedi.

Moïse Katumbi, après trois ans de purgatoire, est de retour dans son pays ce 20 mai 2019. Il l’avait promis. Il a tenu sa promesse. Le Katangais rentre au bercail pour faire la paix, sa tenue immaculée chantant le roucoulement pacifiste de la colombe. Mais il reste quelques traces d’ombre. La dent contre Joseph Kabila ne s’est passée. Elle est toujours là, l’émail consolidé par l’amertume de ne pas avoir pu participer à cette présidentielle où il avait toutes ses chances et l’orgueil courroucé par ces accusations que la Justice a portées, guidées par les mains de Joseph Kabila, et assénées contre sa dignité.

Moïse Katumbi revient en paix. Mais il n’est pas certain que la couverture de cette paix couvrira le chef de l’ancien président congolais.

On se demande du reste, qui sont ceux qui s’abriteront sous cette tente de bienveillance. Et c’est bien la question qui taraude les esprits, au-delà de la joie et des réjouissances qui  enrobent et frétillent autour de son retour en fanfare. Car passés ces flonflons de cet accueil triomphal, la réalité reprendra ses droits et Katumbi le sait bien.

Où va-t-il déposer ses valises ? A l’opposition ? C’est l’évidence même. Ayant supporté Martin Fayulu qui a été battu (mais pas vaincu), la logique voudrait qu’il dépose ses pénates et aide à porter le courroux que nourrit le candidat éploré contre tout ce «système» qui lui a chipé sa victoire, avec force et méthode. Mais les évidences sont parfois trompeuses. Moïse Katumbi  n’a pas fortement accompagné Fayulu dans sa cavalcade contre le duo Tshisekedi-Kabila. Et on se doute un peu pourquoi. Soucieux de ne pas trop s’éterniser dans son exil, Katumbi a peut-être préféré jouer dans la discrétion, histoire d’avoir son passeport pour retourner au pays.

Si telle est la stratégie, elle a marché puisqu’il est de retour au bercail. A moins que ce ne soit plutôt la magnanimité promise et réalisée par le nouveau président envers les prisonniers qui ait profité à l’opposant. Si tel est le cas, Katumbi pourrait se positionner dans la stratosphère de l’opposition, mais dans une modulation beaucoup plus modérée et distante de la contestation aigrie de Fayulu. Avec pour ambition, de conquérir le fauteuil de Félix Tshisekedi à la prochaine échéance électorale, c’est-à-dire cap sur 2023 !

Mais nous sommes ici dans le champ lexical de la politique où le réel n’est pas rationnel et surtout ne peut pas être  conjugué avec les verbes incertains et improbables de la métaphysique et des contorsions contre-nature. En restant dans cet hémisphère, on comprendrait plus facilement que Tshisekedi trouve un allié en celui qui a atterri, via un jet privé, tout de blanc vêtu, à Lubumbashi.

Et on le comprendrait mieux avec la nomination de ce premier ministre né dans le PPRD, le parti de Joseph Kabila et qui milite dans le FCC, la coalition qui a permis à l’ancien président de tout rafler aux législatives et aux élections provinciales. Le retour de Katumbi démontre que Félix Tshisekedi s’affirme et déroule sa volonté d’impulser le changement en RDC. Mais la nomination d’un chef de gouvernement vêtu des couleurs du FCC, mais s’il est donné comme plus enclin à soutenir la coalition FCC-CACH, laisse toutefois sonner les cloches en l’honneur du véritable maître du jeu : Joseph Kabila.

Dans cette configuration, les choses s’annoncent plutôt compliquées pour le nouveau président congolais. D’où la nécessité de se trouver des alliés, même s’ils ne sont pas formels, au moins qui manifestent des signes amicaux à son égard et ne tireraient pas trop sur la corde de l’opposition et des critiques. Deux évènements en un jour, dans cette RD Congo, qui éclaircissent davantage la météo politique de ce pays à la végétation luxuriante, comme ses élites politiques.

Si Katumbi a pu revenir, c’est sans doute que Tshisekedi, le nouveau président, qui l’avait promis a pu le réaliser montrant que cahin cahan, il prend un peu le large par rapport à Kabila fils.

Le choix de Ilungz, comme premier ministre de Tshisekedi, pour peu qu’il soit le lien de l’attelage Kabila-Tshisekedi, pour «fortifier la coalition gouvernementale», n’en demeure pas moins également une preuve que Kabila qu’il se soit retiré dans sa ferme de Kingakati, ou au palais de la Nation, reste le deus ex machina politique de ce pays-continent, car les hauts gradés de l’armée lui doivent leurs étoiles, son parti est majoritaires dans les Assemblées provinciale et nationale, et à présent Kabila tient l’exécutif à commencer par le premier ministre. Le jeu d’ombre en RD Congo est très visible et pas besoin de microscope pour l’observer. Les jours qui s’écoulent sur les rives du fleuve Congo, lèveront sans doute le voile sur la mécanique de cette arrivée triomphale d’un phénix blanc à Lubumbashi et quelle formule mathématique Ilunga le docteur ès Sciences économiques appliquées mettra en branle pour conduire l’attelage aux proues opposées du FCC-CACH.

Ahmed BAMBARA

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