Des Etats-Unis, Paul Biya regagne donc le Cameroun d’où il a quitté il y a presque une cinquantaine de jours. Qu’y a-t-il fait chez l’oncle Sam alors qu’on le disait à Genève où il serait décédé ou à l’agonie ?
En tout cas, 20 ans après quasiment le même scénario, le sphinx revient, sans pour autant pousser goguenard ce coup-ci : «Le fantôme vous salue» !
Tout juste a-t-il échangé à l’échelle de coupé avec son ministre d’Etat avant de s’engouffrer dans son véhicule en sortant la main pour saluer son peuple. Cet impromptu retour bien que hyper mondialisé fait retomber le Cameroun suspendu à la santé de Paul Biya. Mais, pas l’après-Biya, qui lui reste dans le cortex de ses compatriotes, taraudés toujours par qui pour remplacer ce président secret, efficace et inamovible ?
Effervescence hier donc à l’aéroport de Yaoundé-Nsimalen, la capitale camerounaise parée de belles atours, avec des affiches géantes du chef de l’Etat, Paul Biya, des rues et avenues nettoyées avec les écriteaux «Bienvenue : Welcome» et des populations qui ont scruté le ciel de Yaoundé attendant le chef. Bien que rien n’a filtré sur cette réapparition, chacun savait ce retour inéluctable. C’est un remake de ce qui s’est passé en juin 2004, lors d’un come-back similaire, alors qu’à l’époque, des jours durant, on a martelé que Biya s’était endormi pour l’éternité.
Le président camerounais est bien vivant, la preuve, par ce retour triomphal peut-être a-t-il subi un check-up médical, normal à 92 ans, peut-être un coup de barre (fatigue) encore normal quand on est nonagénaire. Mais de là à avoir passé l’arme à gauche, assurément il pourra encore dire ceci, comme il y a 20 ans. «Apparemment, il y en a qui sont pressés d’assister à mes obsèques». Un retour qui coupe court aux rumeurs et spéculations, mais ne met pas fin pour autant au débat rédhibitoire sur la dévolution du pouvoir après-lui.
En effet, si l’âge du capitaine, et sa supposée pathologie et même sa disparition alimentent tant le landernau camerounais, c’est que les compatriotes sont dans une posture de sentiment de vide incommensurable, au cas où !
Réaction quasi-pavlovienne en pareille situation, ils essaient d’anticiper, car avec 42 ans au compteur, le biyaisme laissera probablement une succession très corsée à gérer pour ne pas dire un après-lui chaotique si rien n’est fait. Ce fut le cas avec Houphouët, avec Mobutu, avec Blaise et avec Eyadema…
Or, on sait qu’il n’est plus question pour l’ex-Métropole (qui suit cette situation camerounaise avec un microscope), plus question pour la France de régler une telle succession, mais pas question aussi pour elle de laisser une quelconque chienlit s’y installer. Et si aucun dauphin ne pointe le bout du nez comme du temps de la Francafrique, il y a une short list quelque part. En tout cas, l’après-Biya est pesé et sous-pesé, les scénarii examinés avec une attention de bénédictin.
Biya est revenu mais la sagesse de cet homme qui gouverne le Cameroun soit depuis son fief de M’Vomeka, soit de son palais d’Etoudi, ou depuis Genève ou de nulle part et partout, la sagesse devrait lui recommander de mettre des dauphins en orbite et ne plus couper leurs têtes, quitte à ce que le meilleur émerge, ou pourquoi pas à organiser sa succession.
Justement, si ce retour est source de joie pour le Camerounais Tartempion et pour certains de son cercle, lesquels appellent déjà le revenant à endosser le costume de Biya puissant 8 ! A contrario, il est anxiogène pour ceux qui avaient déjà enterré le vieil président. Biya-le Sphinx, cet homme entré à la présidence il y a 42 ans comme chargé de mission va-t-il céder à la tentation d’Etoudi ou «s’il ira au village» pour reprendre ses mots ?
Air de déjà vu encore, en juin 2004, à son retour il avait également dit ceci «Vous voyez, j’ai survécu, mais je n’ai pas la mémoire courte : je sais très bien, qu’à un moment ou à un autre, qui a parié contre moi». On entend déjà certains trembler de toute leur carcasse !
L’après-Biya, est tabou, penser sans en parler, et adopter à la limite la loi des 3 singes : Rien vu, rien entendu, rien senti ! Sauf qu’il y a le destin de tout un pays dans la balance.
La REDACTION
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