Retrait de la Côte d’Ivoire de la Cour africaine : Supprimons alors nos juridictions supranationales !

Retrait de la Côte d’Ivoire de la Cour africaine : Supprimons alors nos juridictions supranationales !

C’est une controverse qui a traversé les courants philosophiques et juridiques : le primat des droits de l’individu sur l’Etat. Et c’est cette polémique qui oppose la Cour africaine des droits de l’homme (CADHP) et l’Etat ivoirien, et qui a abouti à un divorce violent, la Côte d’Ivoire ayant biffé sa signature de cette Cour.

C’est ce même quiproquo qui avait causé le même effet d’avec le Bénin au sujet des prochaines élections locales.

Deux pays différents. Deux décisions. Et la même finalité. Le Bénin a décidé de se retirer du protocole de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (CAHDP). La Côte d’Ivoire en a fait de même. Le pays de Patrice Talon reproche à la juridiction d’avoir ordonné de suspendre les élections communales prévues pour le 17 mai 2020, parce que l’opposant Sébastien Ajavon a estimé que ces élections en son absence lui causaient d’énormes préjudices. La contrée de Alassane Dramane Ouattara est remontée contre la Cour parce qu’elle a donné son avis sur la procédure judiciaire visant l’ancien président de l’Assemblée nationale ivoirienne Guillaume Soro.

Ces deux Etats se rebiffent donc parce que leurs intérêts (ou ceux de leurs dirigeants) sont remis en cause par les décisions de la Cour africaine. Si au Bénin, la cause est moins fortement liée au président Patrice Talon, encore qu’à y voir de près, il y a toujours ce zeste oppositionnel entre un président et un allié devenu adversaire, en la personne de Sébastien Ajavon tandis qu’en Côte d’Ivoire il en va un peu autrement. Tous savent que le courant ne passe plus entre Guillaume Soro et Alassane Ouattara, qui étaient pourtant il y a quelques lunes, de grands alliés aux déclarations d’amour tonitruantes et mielleuses.

Depuis que le «fils» a osé dire non au «père» devant l’embarcation du RHDP, les choses ont tourné au vinaigre, surtout pour le premier. Il faut dire que les appétits présidentiels du «bon petit» de ADO dépassaient les revers de ses vestes.  Et le «géniteur» politique a comme depuis lors décidé de châtier son «rejeton» avec la plus grande fermeté et sans état d’âme. La justice s’est mise à ses trousses, le forçant à rester hors de son pays et récemment, en le condamnant sévèrement à 20 ans de prison et en le dépouillant de sa capacité en tant que citoyen à être électeur et surtout éligible à la prochaine présidentielle.

Et évidemment, la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) avait de fortes chances de se faire pincer les doigts lorsqu’elle les a introduits entre l’arbre et l’écorce filiale !  La preuve !

La messe est donc dite. Les honorables magistrats de cette cour ont été rabroués et leurs plaignants avec. Pas question que ses décisions s’appliquent à des Etats qui ne font plus partie de son domaine de compétence.

Et c’est bien dommage ! Ces juridictions dites supranationales ont bien été mises en place par les Etats pour être des garde-fous aux dérives qui pourraient écorner les droits de l’homme dans l’exercice de la gouvernance. A quoi servent-elles alors si au moindre geste de remontrance de cette cour, on se précipite pour se retirer avec à la clé, de grandes invectives et des menaces d’indignation ? Ces magistrats sont-ils désignés et payés pour juste se tourner les pouces ? Que renferme la notion de juridiction supranationale, donc au-dessus des nations, si les pays s’offusquent qu’on leur tape sur les doigts alors que c’est l’essence même de ces institutions ? Mais pourquoi s’étonner ? On peut comprendre le Bénin comme la Côte d’Ivoire dans une moindre mesure seulement : les élections locales ou législatives relèvent de la souveraineté d’un pays. Permettre que les grands juges d’Arusha interfèrent pour arrêter le processus, donc annuler ou reporter le vote du 17 mai peut s’apparenter, à une mise entre parenthèses de cette souveraineté, au profit d’un individu : Sébastien Ajavon. A un outrepassement des prérogatives de la CADHP. De même en Côte d’Ivoire, le pouvoir se sentirait dans ses petits souliers, s’il déférait au verdict de la CADHP, et extirpait Soro de l’œil du cyclone judiciaire. Mais, même avec ces arguments ce n’est pas une excuse absolutoire. Alors à quoi servent toutes ces juridictions à compétence universelle ? Tout juste pour le décorum ? Pourquoi ces juridictions ravalées à la même étoffe que celles nationales mériteraient-elles un meilleur sort si leurs consœurs «locales» se font le plus souvent marcher sur les pieds ?

Tant qu’à faire, autant dissoudre ces juridictions régionales ou continentales. Au moins, les justiciables sauront à quoi s’en tenir ! Car pendant qu’on y est, il ne reste plus qu’à faire disparaître toutes ces institutions juridiques supranationales censément suppléer aux justices vermoulues des Etats. Puisque chaque prince africain se montre si sourcilleux de son indépendance sous le paravent du pays, autant faire table rase, et que le cas des Chambres extraordinaires africaines (CAE) qui ont jugé le pol pot de N’Djamena Hissène Habré, ne soit qu’unique et que chaque Etat poursuive avec sa justice. Et qu’on arrête déréchef de critiquer la CPI également, qu’on n’y envoie plus nos seigneurs de guerre, nos princes déchus … Alors là on serait en osmose avec la posture ivoirienne.

Ahmed BAMBARA

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