La boîte de tomate en bandoulière, une chemise, un pull ou un boubou blanc froissé et délavé, les cheveux crépus, poussiéreux et crasseux, les pieds nus et l’allure sans fierté aucune, ils patrouillent sans un but précis dans les artères des agglomérations. Les enfants en situation de rue, puisqu’il s’agit d’eux sont partout, impossible de ne pas les voir. Pour une ou deux pièces de monnaies, ils sont capables de braver les dangers de la circulation pour encaisser les sous. Parfois, cela ressemble à du harcèlement. Il faut donner quelque chose pour s’en débarrasser. Et pourtant, la loi interdit cette mendicité (lire encadré). Ce phénomène prend de l’ampleur aux yeux de tous. C’est un engagement présidentiel que le ministère de tutelle essaie de concrétiser non sans difficultés. Voyage dans un univers difficile, malgré les efforts du département.
S’il y a un phénomène qui prend des proportions inquiétantes, c’est bien les enfants en situation de rue. Communément appelés «garibou» en langue mooré, ces enfants habillés en guenilles, parfois torses nues, pieds nus, une boîte en bandoulière, il est impossible d’échapper à leur regard innocent et livide. Face à ce phénomène qui prend de l’ampleur, le gouvernement à travers son ministère en charge de l’Action humanitaire a initié une opération, dite «Opération de retrait des enfants en situation de rue».
En effet, le dernier recensement des enfants et jeunes en situation de rue, effectué en décembre 2016 dans 49 communes urbaines de notre pays, a révélé un effectif de 9 313 enfants environ. Selon cette étude, plus de 41% de cet effectif se trouve dans les deux principales régions que sont le Centre et les Hauts-Bassins, où l’on dénombrait respectivement 2 329 et 1 547 enfants et jeunes en situation de rue, soit 2/5 de l’effectif total.
Dans son rapport, la ministre en charge de l’Action humanitaire indique qu’au regard de ces chiffres, son département a entrepris des actions en vue d’apporter une réponse appropriée au phénomène, et ce, conformément aux objectifs du Plan national de développement économique et social ( PNDES) qui est de réduire de 50% le nombre d’enfants et jeunes en situation de rue d’ici à la fin de l’année 2020. Ce rapport mentionne que des acquis importants ont été engrangés lors de cette opération : «Il est important de noter que 327 des enfants retirés lors des opérations, soit 117 en 2018, 120 en 2019 et 90 en 2020 ont été placés dans les internats éducatifs à Orodara, Fada, Kaya et Gampela .
Pour la même période, 189 enfants stabilisés sont retournés dans leurs familles avec l’accompagnement des services. Malheureusement, il faut signaler que 41 d’entre eux sont perdus de vue à ce jour par nos services». Par ailleurs, lit-on, il convient de rappeler que dans le cadre de cette opération, le département a signé des conventions de partenariat avec 348 maîtres coraniques soit 232 Ouaga et 116 à Bobo-Dioulasso. «Ce qui permet le suivi par nos services de plus de 2 722 enfants talibés soit 767 à Ouaga et 1 879 enfants à Bobo-Dioulasso.
A ce jour, seulement 61 maîtres coraniques ont su initier et mettre en œuvre des pratiques alternatives à la mendicité, ce qui a permis de sortir ces enfants de la mendicité dans la rue, soit une proportion de 26,2%», lit-on dans son rapport. Dans le même document le ministère mentionne que ces enfants internés, bénéficient d’une formation professionnelle initiale et d’une scolarisation. «S’agissant plus singulièrement des enfants dits talibés, dès leur arrivée dans les centres, ils reçoivent une éducation religieuse qui leur est dispensée par des instructeurs mis à notre disposition par la Fédération des associations islamiques du Burkina (FAIB) témoignage de grâce à la bonne collaboration que mon département entretient avec cette faitière qui est un partenaire de premier plan», souligne le rapport.
En ce qui concerne la loi, Idrissa Kadiogo, président des Associations des maîtres coraniques du Burkina Faso (AMC-BF) en est bien conscient, car il «n’est pas censé ignoré la loi». Mais ce que ce dernier déplore, c’est la méthode utilisée par le ministère en charge de l’Action humanitaire pour mener l’opération. A l’entendre, «les enfants, de surcroit les enfants talibés sont souvent arrachés de force dans la rue pour ensuite être internés dans les centres et même les parents ne peuvent pas leur rendre visite».
Omar SALIA
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