RHDP unifié sans Bédié et Soro : Les conditions d’un «gbangban» fratricide pour 2020 ?

RHDP unifié sans Bédié et Soro : Les conditions d’un «gbangban» fratricide pour 2020 ?

Le Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) pourrait plutôt s’appeler le Rassemblement «partiel»  des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RPHDP) ! La guerre fratricide qui a éclaté depuis la mort de Félix Houphouët-Boigny n’a pas encore fini de produire ses étincelles de division. Avec l’avènement du RHDP, sonnant la coalition entre les fils du «père» de la Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara et Henry Konan Bédié, pour faire front contre Laurent Gbagbo, on avait cru cette idée de parti unifié arrivé à son terme. Une histoire de famille divisée qui a fini par se retrouver pour fumer le calumet de l’union fraternelle. En 2010, après l’interminable cahotement politico-militaire, ce conglomérat houphouëtiste avait permis à Ouattara de ‘’s’asseoir’’ sur le fauteuil présidentiel.

Mais ce rêve devenu réalité n’aura apparemment duré que le temps de faire sortir Laurent Gbagbo de la surface de réparation du pouvoir et de faire rester dans le fauteuil présidentiel, deux mandats durant, Alassane Ouattara. Les vieilles querelles et la plaie qui n’avait pas fini de cicatriser ont été rouvertes. Le Sphinx du PDCI avait été endormi par la promesse de son allié et «frère» d’idéologie de lui céder le fauteuil présidentiel à la fin de son deuxième mandat ou plutôt de désigner un impétrant pdciste pour concourir en 2020. Mais à l’approche de cette échéance, ADO a changé d’avis et veut garder le pouvoir, soit pour lui, soit pour son parti politique, le RDR. De quoi faire éclore les graines vénéneuses du courroux et de la rancœur dans le cœur du «vieux» et le pousser au chantage : tenir sa promesse ou il pose le pied sur le projet «parti unifié», qui, s’il arrive à maturité, sera une machine électorale écrasante contre qui rien ne pourra résister et rappellera certainement le temps où le PDCI était seul maître à bord dans la Côte d’Ivoire gouvernée par un certain Houphouët-Boigny.

Mais ADO, ne l’entendant pas de cette oreille, a vite faire de passer à la vitesse supérieure, liquidant le gouvernement de Gon Coulibaly II le 8 juillet dernier, qui accouchera une semaine plus tard d’une autre équipe comportant certes des éléments du PDCI, mais coupés du sommet pour en construire un autre et le truffer de mies d’un gâteau alléchant auquel peuvent difficilement résister des hommes ou partis politiques qui sont conscients de leur stature et de l’obligation pour eux de négocier des «parcelles» de pouvoir parce que l’entièreté du territoire est objectivement inaccessible.

Conséquence, les jarrets du «vieux» sont fragilisés par le départ assez conséquent de ses lieutenants et le ralliement de ces «petits» partis politiques qui constituent les vertèbres de la stature du RHDP. Avec un tel attelage, Alassane Ouattara pourrait se convaincre de pouvoir se passer de Bédié pour démarrer le moteur du parti unifié. On sentait ce mariage de raison se dirimer chaque jour, mais depuis hier 16 juillet 2018, c’est la fin des épousailles parcequ’il ya des lustres déjà, le couple faisait chambre à part, malgré les apparences. Car avec ce jamborée extraordinaire sans Bédié, et sans Soro, Ouattara aurait voulu signifié qu’il ira Nolens Volens à la présidentielle de 2020, avec son candidat à lui, qu’il ne le dirait pas autrement. Et tout en pratiquant la politique de la terre brûlée, car en ratissant les jeunes têtes de turc de PDCI et en pêchant un Sidiki Konaté, ex-fidèle lieutenant de Soro, Ouattara divise pour mieux se pourvoir pour l’échéance cruciale, en comptant aussi sur les petits partis tels le MFA, UDPCI et autre PFT. Mais il crée en même temps les conditions objectives d’une jonction PDCI-FPI, des alliés traditionnels, qui unis feront pièces aux ambitions du RHDP unijambiste car historiquement, aucun parti,n’a pu conquérir le pouvoir par les urnes en Côte d’Ivoire sans alliances, et pas plus que le RDR et ses partis croupions, ne le pourront en 2020.

Cependant, cet attelage pourra-t-il vraiment aller loin sans le soutien de Henry Konan Bédié ? Cette carte est-elle jouable ? Surtout que Guillaume Soro, le bras qui l’a aidé à accéder au pouvoir, danse tel un funambule sur la corde qui sépare ADO et Bédié, ne penchant ni pour l’un ni pour l’autre, mais appelant le premier à ne pas rompre avec le second, tout en apportant son soutien au RDHP «unifié», sans pour autant lâcher le PDCI. Et lorsqu’un Soro a préféré rester au Canada, pour ne pas avoir à aller ou refuser de participer à ce congrès extraordinaire, de la «vérité», la météo politique d’ici à 2020, se brouille davantage.

Quoi qu’il en soit, le choix de Alassane Ouattara est clair. Il apparaît de plus en plus évident qu’il a son candidat tout choisi pour 2020. Est-ce lui-même ou un dauphin encore caché sous sa redingote ? Henry Konan Bédié peut être certain qu’il ne viendra pas de son camp. Dès lors, avec la convocation de l’Assemblée générale constitutive du parti unifié, et sa formalisation par un congrès constitutif dans 10 mois, les conditions sont en train d’être créées pour un «gbangban», une bagarre fratricide, comme le diraient les Ivoiriens, qui risque de durer jusqu’en 2020. Une tambouille dont nul ne sait qui en sortirait vainqueur, seule certitude, chacun des caïmans de la Lagune Ebrié, y laissera des écailles. Tout indique que l’après-Ouattara est lourd de tous les dangers. Comment Soro et Bédié vont réagir pendant cette traversée ? Est-il possible qu’un «troisième larron» débouche de nulle part (mais pas trop loin de l’opposition divisée) pour ravir la vedette aux frères querelleurs et de s’emparer de ce pouvoir suprême dans deux ans ? Rien n’est à exclure dans cette Côte d’ivoire où même lorsqu’on essaye d’avancer masqué, on est … démasqué. Il reste deux ans pour écrire toutes les lignes de ce scénario politique.

Ahmed BAMBARA

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