– Qui a tiré sur le Mystère 50 qui transportait le président rwandais Juvénal Hubyarimana et son homologue burundais Cyprien Ntaramina, ce mercredi 6 avril 1994 à 20h30 ?
– Qui était ce jour-là sur la colline de Massaka, qui surplombe l’aéroport de Kigali à quelques jets de pierre de la résidence présidentielle ?
– Que s’est-il passé à Bissessero courant juin 1994 ?
– Quid de l’opération Turquoise ? une opération Schizophrène, c’est-à-dire humanitaire et guerrière ? Pourquoi avoir attendu que 2/3 des reclus de Bissessero soient massacrés avant que Turquoise n’intervienne ?
– A quand la publication des conclusions de l’enquête française sur cet attentat dont les résultats indexent 7 responsables rwandais, parmi lesquels le ministre de la Défense, James Kabarebe ?
Un quart de siècle après ce que d’aucuns ont d’abord confondu à tort, à une guerre civile, alors que c’était un massacre ethnique en bonne et due forme, 25 longues années après donc, rien n’est toujours clair et sur les commanditaires de ce massacre et sur le pourquoi, surtout sur le rôle de la France dans cette tuerie aveugle qui aura fait 800 000 morts en 100 jours, particulièrement des Tutsis et Hutus modérés.
Tant qu’on n’aura pas répondu aux questions ci-dessus indiquées, 25 ans après, certaines plaies restent toujours non cicatrisées et entre la France et le Rwanda subsisteront ces relations troubles.
Si le président Jacques Chirac n’a jamais admis que la France a fauté au Rwanda, Nicolas Sarkozy a lui «confessé» les erreurs de l’Hexagone. Et même si les rapports entre les deux pays sont un peu plus cordiaux, rien n’est réglé sur ce passé douloureux qui ne passe pas surtout aux yeux du Bonaparte rwandais de 1994 : Paul Kagamé.
Ce 7avril 2019, à l’occasion de ce quart de siècle du génocide, c’est un chef d’Etat rwandais, en compagnie des présidents de la commission africaine de l’UA et de la commission européenne, respectivement Moussa Faki Mahamat et Jean Claude Junker, qui ont rallumé la flamme du souvenir qui brûlera 100 jours, les 100 jours funestes de 1994.
Et si au Centre international des conférences de Kigali, Faki et Junker ont prononcé des discours convenus, l’homme mince de Kigali, lui s’est voulu à la fois reconnaissant à l’égard des rescapés et des repentis pour leur souffrance et leur demande de pardon, le ton est devenu subitement comminatoire à l’endroit de ceux qui nient le génocide, des opposants de l’intérieur particulièrement, Victoire Ingabiré du FDU et surprise contre son ex-mentor, Yoweri Museveni, d’Ouganda, auprès de qui il a appris l’art de la guerre, et d’où, il marcha sur le Rwanda avec le FPR, pour prendre le pouvoir.
La France, pour une fois a été épargnée, mais qu’on ne s’y trompe pas, Kagamé n’a toujours pas totalement desserré les dents contre le pays des droits de l’homme.
Certes le président Emmanuel Macron tente aussi de briser cette glace avec l’élection de Louise Mushikiwabo, ex-ministre des Affaires étrangère du Rwanda portée aux nues par la France au poste de SG de l’Organisation internationale de la Francophonie, (OIF) à Erevan en Arménie. Mais la position du locataire d’Urugwiro reste inflexible à l’égard d’une France, qui demeure également arc- boutée, à sa position : pas d’erreur commise au Rwanda, donc pas de demande de pardon.
Du reste, ce 5 avril 2019, l’actuel locataire de l’Elysée a reçu « IBUKA », l’association en mémoire aux victimes du génocide à l’occasion de ce triste 25è anniversaire.
Mieux, Macron va porter sur les fonts baptismaux un groupe d’historiens qui éplucheront les archives à déclassifier sur ce génocide.
Ce sont de petits pas qui pourraient dans l’avenir aider à rasséréner des rapports entre 2 pays qui se comprennent sur ce qui est incompréhensible (le génocide). Mais les sujets qui fâchent sont toujours pendants. Et aucun d’eux ne veut en ce qui le concerne hisser carrément le drapeau blanc, notamment le Rwanda qui tient à l’officialisation de la culpabilité française et un acte de contrition.
C’est pourquoi depuis plus de 3 années, la France n’a pas d’ambassadeur à Kagali, voilà pourquoi aussi Emmanuel Macron, invité pour la commémoration de ce 25è anniversaire n’a pas pris la peine de se porter pâle ni exhiber un agenda surbooké, mais a carrément décliné l’invitation en envoyant le jeune député Hervé Berville de 29 ans le représenter, tout un symbole, puisque ce dernier d’origine tutsi, a été adopté par un couple français en 1994.
A quand, un apurement de ce passif, si 25 ans après on sent toujours que ni la lumière, encore moins la justice ne semblent être au rendez-vous ?
Est-ce possible d’ailleurs si l’ex-chef d’état-major de l’armée française à l’époque, l’amiral Jacques Lanxade innocente l’opération Turquoise, tout en affirmant que le « Rwanda se construit sur une mise en cause de la France » ?
Serait-ce Paul Kagamé qui n’est pas prêt pour qu’on tourne cette page sombre ?
25 ans après l’innommable, les relations France-Rwanda, sans être polaires demeurent tièdes, car si au pays des mille collines, devenu celui des mille fosses communes, on a essayé par la justice communautaire, les fameux gacaca, une sorte de catharsis libératoire, on y a essayé de faire revenir le vivre-ensemble, on ne comprend pas que la France, dont de nombreux recoupements de témoignages de rescapés incriminent cette France renâcle à se confesser. Ce qui explique aussi en partie, l’autisme d’un Paul Kagamé qui a imposé un modèle de développement à la singapourienne faisant fi des critiques des occidentaux ce qui réussi bien au Rwanda qui fait figure de modèle en Afrique. Pourtant il faudra bien qu’un jour l’armistice prévale sur cette guerre feutrée, qu’on oublie les prétendus Noires fureurs et Blancs menteurs, pour avancer.
Serait-ce sous Kagamé ou après ?
Zowenmanogo ZOUNGRANA
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