Second tour présidentielle Mali : Calme à Bamako, sanglant  à Nianfuké

Second tour présidentielle Mali : Calme à Bamako, sanglant  à Nianfuké

C’était beau pour être vrai, on se doutait que le calme precaire qui a prévalu au 1er tour, ne le serait pas à ce second round, à moins d’un miracle. Et ironie du sort, c’est à Nianfuké, fief de «Soumi», qu’un patron de bureau de vote a été abattu par des djihadistes. A Mopti, ségou, Douentza, des bureaux de vote ont été emportés, et même le scrutin n’a pas eu lieu, tant les membres de bureau sont restés terrés chez eux. A cette atmosphère de terreur, s’est ajoutée la désaffection «naturelle» due au fait que les Maliens sont blazés par les politiques.

Déçus par la classe politique malienne et probablement démotivés par la forte pluie qui s’est abattue sur une bonne partie du pays, les Maliens ont, ce dimanche 12 août, enfui leur devoir civique sous leurs matelas. 42,70% au premier tour, la participation au second tour aurait considérablement manqué d’engouement, autorisant ainsi une nage presque libre au président-candidat Ibrahim Boubacar Keïta. Hier à Sébénicoro son bureau de vote habituel, ils sont nombreux à penser qu’au-delà de l’acte civique, le président sortant a composté son ticket pour un deuxième quinquennat.

A la vérité, c’est à se demander si l’opposition conduite par son Chef de file, Soumaïla Cissé, ne s’est pas trompée de combat. Focalisée sur les méthodes (vraies ou supposées) frauduleuses du régime en place, l’opposition qui a étalé ses ambitions égoïstes aux yeux des populations en morcelant ses forces, a manqué le coach à l’entrée du second tour. Sorti du premier virage avec un retard considérable, Soumaïla Cissé et son groupe d’opposants qui ne parviennent pas à accorder leurs violons que sur des motifs circonstanciels, ont beaucoup plus cultivé la méfiance, au lieu de jeter leur va-tout dans la mobilisation, en vue de renverser une situation bien compromise par ce duel déjà vécu, et qui au fond, n’offrait aucune véritable alternance aux Maliens qui en rêvaient.

Arrivé en 2013 au pouvoir, Ibrahim Boubacar Keïta avait alors hérité d’un pays presqu’aux abois, lézardé par une transition qui peinait à refermer la parenthèse qu’elle avait ouverte sur une querelle d’allemand. Au bout de cinq ans, même si le bilan n’est pas reluisant au regard du quotidien de la majeur partie de la population, on ne peut pas nier la renaissance de l’Etat malien qui tente non sans reliefs salutaires, de sortir du bourbier djihadiste qui fragilise aussi bien son intégrité, son économie que sa morale. On comprend alors, que faute d’une nouvelle figure qui incarnerait les aspirations du rêve malien, ce remake de 2013 «IBK-Soumi» passionne peu. Quoi qu’il en soit, les cinq prochaines années sont promises à un hippopotame bien connu sur les rives du fleuve Djoliba.

Dans ces conditions de temps (pluie) et d’espoir d’alternance déçu, tout semble indiquer que l’abstinence connaîtra un taux important en ce second tour. Une donne qui fait naturellement l’affaire du président sortant, qui pourrait paraitre aux yeux des téméraires qui auront bravé la pluie et les flaques d’eau, comme la carte rassurante, par rapport à son challenger, raisonnablement perçu comme un pari aux contours inconnus.

Placé à la fois sous haute sécurité, et sous haute pression, principalement par la mission d’observation de l’Union européenne, l’impact de la dernière sortie de Cécile Kyenge qui conduit la troupe, a sans doute été mesuré à l’échelle de Richter. Jusque-là conciliante avec les appréhensions presqu’étouffantes de l’opposition, celle qui a mis le gouvernement de Soumeylou Boubèye Maïga dans tous ses états, n’a pas pris de gants pour interpeller les candidats à l’ordre : «Je rappelle que s’il y a des irrégularités, il y a des voies légales, il y a des institutions compétentes qui doivent s’occuper de ce dossier, c’est-à-dire la Cour constitutionnelle. C’est là qu’il faut faire appel», a laissé entendre Cécile Kyenge, qui rejoint les propos d’IBK qui lui, met en garde tous ceux qui «manœuvrent et mettent en scène des fraudes électorales». En un mot comme en mille, le rappel à l’ordre de dame Cécile Kyenge, qui semble avoir pris une bonne douche tropicale, est destiné à «Soumi-champion» et à personne d’autre. Or, s’il y a une institution qui ne garantit aucune once de confiance aux irréductibles «Boua Ka bla» (1), c’est bien cette Cour constitutionnelle sur laquelle, pèseraient de lourds soupçons de corruption.

Déjà relativement bien coté pour avoir réussi à organier cette élection présidentielle dans un contexte sécuritaire qui n’était pas évident, IBK, «mis sur orbite par les Maliens» selon lui-même, devrait de l’avis de bien d’observateurs de la scène politique malienne, se voir projeter pour cinq nouvelles années.

émaillé par des tueries, des enlèvements, des destructions d’urnes, ce scrutin, entaché par le sang, de suspicions de fraudes et de corruptions, n’est certainement pas le plus transparent, encore moins le plus abouti qui soit. Mais ce qui aura mis à mal l’alternance souhaitée par la frange jeune de la population malienne, c’est surtout l’inconséquence dont a fait montre les opposants au pouvoir qui, jusqu’au bout, auront gardé un pied hors du cercle, avec l’espoir d’obtenir un éventuel hypothétique mie du gâteau… Pour le bonheur des partisans du slogan «Boua ta bla» (2) .

(1)Le vieux doit laisser

(2)Le vieux ne laissera pas

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