Le jamborée extraordinaire de la CEDEAO qui s’est tenu hier dimanche 10 décembre 2023 à Abuja, avec ADO de la Côte d’Ivoire, Macky Sall du Sénégal et Patrice Talon du Bénin aux abonnés absents pouvait difficilement enjamber la conjoncture sous-régionale, pour examiner d’autres dossiers. Et cette conjoncture s’appelle Mali-Burkina-Niger, ou précisément des militaires se sont installés aux manettes de ces pays, ce qui a rendu les relations exécrables avec la CEDEAO. Notamment avec le dernier coup d’Etat en date, celui du Niger, survenu le 26 juillet 2023, une irruption des militaires dans le landerneau politique qui avait fait sortir la CEDEAO de ses gongs, laquelle a imposé des sanctions terribles et même brandi une équipée militaire pour rétablir le président nigérien élu déchu, Mohamed Bazoum.
C’était le 30 juillet 2023. Depuis lors, entre les 3 pays qui, entre temps, ont créé le 16 septembre 2023 l’AES, depuis c’est le yoyo relationnel entre la CEDEAO et cette sorte de triumvirat qui essaie justement via cette AES, de trouver une alternative à cette CEDEAO, qui les a mis de côté pour «interruption à l’ordre constitutionnel».
Ce dimanche 10 décembre 2023, si la CEDEAO s’est dévêtue de sa tunique de père-fouettard, le Niger, manifestement lui reste en travers de la gorge, en particulier le cas Bazoum ! Liberté pour Bazoum, lequel est même invité intuitu persona à Abuja et a été représenté par son ex-ministre premier ministre, Ouhoumoudou Mahamadou, lequel était assis sur le fauteuil réservé à Bazoum mais pas dans la photo de famille et Massaoumi Massoudou, ex-chef de la diplomatie. Que la junte élargisse Bazoum et permette aux exilés politiques de regagner Niamey, sont les préalables matriciels et principiels de la CEDEAO avant de discuter du dénouement de la crise avec le Niger.
En l’espèce, le chef de l’Etat togolais a su se positionner dans ce délicat dossier nigérien. Dès les premiers jours consécutifs au putsch, et alors que la CEDEAO était dans la posture du punisseur des tombeurs de Bazoum, Faure s’était discrètement rendu à Niamey où il avait rencontré les premiers responsables des militaires qui venaient de prendre le pouvoir. Un déplacement qui avait passablement froissé certains de ses homologues de la CEDEAO, qui y voyaient une initiative solitaire et cavalière.
Pourtant bien visé de la part de Faure Gnassingbé, qui a eu le flair de cultiver cette sorte de neutralité, la preuve, le général Abdourahamane Tiani, était à Lomé ce samedi 9 décembre 2023. On a pourtant eu la vague impression que le Togolais pour perspicace qu’il est a été écouté mais pas entendu, hier dimanche 10 décembre à Abuja.
En effet, si officiellement, il a été mandaté par la CEDEAO pour jouer à la médiation avec le Niger il est accompagné de ses homologues de Sierra Leone et du Bénin. On a senti une organisation sous régionale qui ne digère toujours pas la chute et l’embastillement de Bazoum et a réitéré ses oukases exhibés à l’ouverture.
Seul bémol : les transitions burkinabè, malienne et guinéenne ont été invitées à prendre langue avec la CEDEAO pour affiner les chronogrammes. De même, les premiers ministres et les présidents de ces pouvoirs kaki peuvent désormais voyager, le Travel Ban (interdiction de déplacement) a été levé.
C’est un sommet qui laisse les 3 Transitions sur leur faim, car le principal c’est-à-dire, la levée des sanctions sur le Niger est maintenue. Ce week-end justement à Niamey, la plateforme Front patriotique pour la souveraineté (FPPS) a fait un sit in pour la cessation des sanctions. Et la CEDEAO reste arc-boutée à la liberté inconditionnelle pour Bazoum. Les 3 chefs d’Etat du Sénégal, de la Côte d’Ivoire et du Bénin, taxés à tort ou à raison comme les «faucons » de la CEDEAO vus de Niamey ont boudé le sommet pour diverses raisons, bref, on sent qu’entre la CEDEAO et les 3 pays régentés par des militaires en particulier le Niger, on sent que rien n’est réglé, même si la porte reste entrebâillée notamment pour le cas précis du Niger.
En tout cas, les lignes n’ont pas trop bougé, et peut-être que le Togolais, le Béninois et le Sierra Léonais feront de la diplomatie souterraine et officielle. Pourront-ils résoudre cette quadrature du cercle CEDEAO-Niger ? Et les cas Burkina-Mali et Guinée, qu’en sera-t-il du timing de ces Transitions ? Car si en Guinée, il n’y a pas de terrorisme, au Mali, Burkina et Niger, le retour à une vie d’Etat de droit est corrélé à la fin du terrorisme. Quand ? C’est dire que la CEDEAO et ces 3 pays «parias» devront se parler et aboutir à une paix des braves et à un modus vivendi. La paix sous-régionale vaut bien un arbre à palabre.
La REDACTION
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