Il fallait que ce soit une affaire d’une extrême urgence pour que le maréchal égyptien Al-Sissi annule sa participation ce 25 mai 2019, à la prestation de serment de Cyril Ramaphosa en Afrique du Sud pour recevoir toute affaire cessante, son homologue soudanais : le général Abdel Fattah Burhan.
Officiellement, l’aparté entre les 2 hommes d’Etat a porté sur le blocage des négociations entre les militaires et les civils au Soudan, lesquels blocages achoppent sur le déroulé et l’issue de la transition.
Conseil consultatif, parlement, gouvernement, élections dans 3 ans, tous ces linéaments ont été tracés entre le Conseil militaire de transition et ceux qui font le guet depuis des semaines autour du quartier général des militaires, à Karthoum mais à l’évidence, rien n’est réglé, ni entre soldats et «révolutionnaires», ni entre ceux qui luttent pour le changement.
A preuve, la grève générale décrétée pour les 28 et 29 mai par l’Alliance pour la liberté et le changement (ALC) et rejetée par la principale formation politique de l’opposition Al-ouma, dont le fondateur n’est autre que Sadeck El-Mahdi et surtout une Al-Oumou parti foncièrement islamiste. Outre Al-Ouma, le Parti du congrès populaire (PCP), crée par Hassan Al-Tourabi, compagnon un certain temps d’Omar El Béchir, s’est inscrit en faux contre ce débrayage de l’ALC. Le front anti-conseil militaire de transition se craquelle-t-il ? Oui dans un certain sens, car, les partis islamistes prennent désormais leur distance d’avec la majorité des manifestants. C’est dans cette atmosphère de bisbilles entre ses adversaires que le général Abdel Al-Fattah Burhan a effectué un aller-retour éclair en Egypte chez son homologue et frère d’arme, le maréchal Abdel Fatah Al-Sissi.
Si le n°1 soudanais a prêté une oreille attentive aux conseils avisés de celui qui régente le pays des pharaons depuis presque 7 années, qui l’a rassuré sur «les efforts déployés par l’Egypte pour garantir la stabilité de l’Etat soudanais, et réaliser les aspirations de son peuple», la mise en garde d’Al-Sissi à Burhan sur les islamistes soudanais mérite qu’on s’y attarde pour des raisons de parallélisme : on connaît l’aversion que le chef d’Etat égyptien voue aux islamistes, qu’il a cassé, embastillé à commercer par leur président élu, Morsi.
Eh bien, Al-Sissi se préoccupe certes de la situation au Soudan, mais essentiellement sur une éventuelle percée des islamistes, qui pourraient profiter de cette immense mare à café soudanais pour prendre le pouvoir.
A vrai dire, Al-Sissi a un peu raison, car durant les 20 ans du pouvoir d’Omar El Béchir, ce fut le rigorisme islamiste à tout crin avec la charia qui faisait foi et loi. Si on a déboulonné Béchir, pour que ses compagnons reviennent au pouvoir, la révolution soudanaise n’aurait servi à rien.
Mais en même temps, ce conseil de l’Egyptien de tenir éloigner les islamistes donne des idées au Soudanais, qui pourrait être tenté de répliquer le scénario des bords du Nil. Surtout qu’on sait que les militaires n’ont pas offert Béchir comme mouton sacrificiel pour s’en aller comme ça et laisser leurs privilèges.
En outre, vu qu’Al-Sissi a conquis son pouvoir par la force avant de s’absoudre par les urnes, et vu qu’il vient de charcuter la Constitution pour s’offrir des mandats illimités, les conseils du rais égyptien au président du Conseil militaire soudanais ne rassurent guère. Ce bref séjour égyptien d’Abdel Fattah Burhan, a donc de quoi troubler les Soudanais, qui n’ont d’autre choix que de rester sur le qui-vive.
Sam CHRIS
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