D’entrée de jeu, on ne peut que dire Bravo à Mme Danielle Darlan, pour avoir fait son travail ! Si les Cours constitutionnelles en Afrique sont souvent sources de crises post-électorales, elles sont aussi et c’est leur rôle régalien les gardiennes du temple, veillant avec jalousie sur la constitutionnalité des lois et des actes. Et généralement, il faut de grands juges probes, intraitables, et ayant la Loi fondamentale chevillée au corps, pour exercer ce travail difficile.
Danielle Darlan, présidente de la Cour constitutionnelle centrafricaine est de cette race de magistrate qui ne transige pas avec ce qui est marbré dans la Constitution.
Coup sur coup, elle et ses collègues ont invalidé le 23 septembre dernier des décrets créant un comité chargé de rédiger une nouvelle Constitution (sur une saisine de l’opposition) décrets jugés «inconstitutionnels », et signifié également que l’initiative d’un référendum de révision constitutionnelle, Touadera ne peut le faire sinon il violerait son serment fait lors de son investiture : «… ne jamais exercer les pouvoirs qui me sont dévolus par la Constitution à des fins personnelles ni de réviser le nombre et la durée de mon mandat».
Elu en 2016, et réélu en 2021, le chef de l’Etat centrafricain gagné par une frénésie pouvoiriste essaie de s’octroyer un 3e mandat au palais de la Renaissance. En août dernier, il avait préparé les esprits en disant que les Centrafricains voulaient un tripatouillage de la Constitution, en fait, un vœu personnel.
En retoquant le président de la République, la Cour constitutionnelle inflige certes une avoinée juridique à Touadera, mais est dans son rôle, qui est dire la loi, et de protéger la République.
Et celle qui a noué son pagne pour défendre la Constitution, a aussi refusé la dérive cryptomaniaque de Touadera, qui voulait adopter le Sangocoin afin de faire cavalier seul en marge de la BEAC et de la CEMAC. Deux déconvenues qu’à l’évidence, le locataire du palais de la Renaissance n’a pas du tout avalé, et c’est peut-être la raison pour laquelle curieusement, la mise à la retraite de Danielle Darlan est devenue une affaire d’Etat.
– 17 octobre dernier, le ministre chargé du secrétariat général du gouvernement, et des relations avec les institutions, maxime Balalou ordonne à son collègue de l’Enseignement supérieur, Jean-Laurent Syssa-Magalé de «procéder au remplacement de Mme Danielle Darlan» à la Cour constitutionnelle.
– 24 octobre, la proscrite apprend sa mise à la retraite antidatée le 14 octobre, assortie d’un «congé libératoire» effectif à partir du 30 septembre. Elle devrait être remplacée par un autre enseignant en droit.
Personne n’est dupe, la rebuffade contre la nouvelle Constitution et le Sangocoin sont bel et bien les raisons de cet empressement pour renvoyer Danielle Darlan se reposer, alors que les juges de la Cour constitutionnelle sont inamovibles et ne peuvent pas être démis de leur fonction. Touadera veut son 3e mandat contre vents et marée mais oublie la règle d’airain de l’ingratitude chère à ces juges : «Vous m’avez nommé, mais je ne vous connais pas», incarnée par Danielle Darlan.
Touadera, carré dans ses certitudes mathématiques a-t-il cru se tailler un 3e mandat dans ce pays sous tutelle de Wagner et du Rwanda ?
Comment expliquer cette boulimie du pouvoir pour lui, qui fut opposant, qui connaît la trajectoire de la RCA, mais qui s’essaie malgré tout à l’apprenti sorcier ? Comment va se terminer ce bras de fer entre la présidence de la République et la Cour constitutionnelle ?
La REDACTION
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