Libre ! Nabil Karoui a recouvré la liberté hier dans la soirée. Sussuré par ses proches et avocats, la justice a finalement décidé de lever l’écrou du leader de Qalb Tounes.
Fruit de l’exigence de sa famille d’un report du second tour, si Karoui n’était pas dehors, cette libération est aussi la résultante de la moisson aux législatives du 6 octobre dernier de l’ex-embastillé.
Inique et bizarre son arrestation le 23 août, pour «fraude fiscale et blanchiment d’argent», à 10 jours de la campagne du 1er tour, avait fait sortir son parti, les observateurs de l’UA et même son challenger Kaïs de leur gong qui ont exigé tous son élargissement.
Mais à vrai dire la libération du magnat télévisuel, n’est guère étonnant :
Lorsqu’on emprisonne un candidat à la présidentielle, qui parvient depuis sa cellule à se qualifier pour l’ultime et second tour, c’est que ce n’est ni un saltimbanque, ni un candidat-potiche.
Ensuite, si le même candidat se taille une grosse part aux législatives avec entre 38 députés, étant toujours en prison, c’est qu’à l’évidence, il incarne des aspirations d’une bonne partie de ses compatriotes. Peut-on raisonnablement garder en taule un tel homme politique ?
Nabil Karoui depuis la prison a dicté sa loi, électoralement et judiciairement. La justice a semblé jouer l’apaisement, mais avait-elle vraiment le choix ? Car si elle voulait éviter l’embrouillamini politico-judiciaire, voire une grave crise post-électorale, et même une annulation des élections, si donc la justice voulait éviter de porter la responsabilité de plonger la Tunisie dans un chaos, c’était la bonne solution de libérer Karoui. Conjurer le spectre d’une Tunisie sens dessus-sens dessous, voilà ce que la justice a évité par cette libération.
Et encore une fois, on doit ce respect des lignes rouges à la révolution de Jasmin, qui bien qu’ayant déçu politiquement et socialement, a implémenté certaines valeurs parmi lesquelles une certaine culture de la démocratie.
Maintenant que va faire Karoui de sa liberté à 3 jours d’un 2e tour d’une présidentielle qu’il veut remporter ?
Peu de temps pour battre campagne, il ne lui reste que certains réglages à faire, mais, le fait qu’il puisse parcourir des contrées de la Tunisie, de prendre des bains de foule, est en soi un catalyseur électoral, aidé en cela par la conception victimaire que l’opinion tunisienne a de lui, après la case prison.
Désormais, il sait qu’Ennhada a 52 députés et Qalb Tounes 38. Ce dimanche 13 octobre, Karoui tentera de rattraper son retard, de renverser la vapeur pour battre Kaïs Saïed. Un autre pari qui, visiblement ne fait pas peur au Tycoon des médias. Le réussira-t-il ?
Ahmed BAMBARA
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