Le «conseil de discipline» des pays de la CEDEAO a fini sa séance hier dans la capitale nigerienne. Nana Akufo-Addo, le chef d’Etat ghanéen, est le nouveau président de la communauté. Mais pas sûr qu’au Mali, ce soit vraiment l’actualité la plus importante.
C’est bien deux points précis du communiqué final qui a sanctionné le 57e sommet des chefs d’Etat de la CEDEAO. Les sanctions ne sont pas allégées. Non. Elles sont maintenues. Pour ceux qui espéraient que la corde qui enserre le cou du Mali diminuerait la densité de son étau, ils devront repasser plus tard.
Ensuite, les présidents veulent voir un président et un Premier ministre civils à la tête de la transition malienne qui se dessine, avant la date butoir du 15 septembre 2020. Un ultimatum franc et fracassant qui est collé au visage du colonel Assimi Goïta et ses frères d’armes. Le principe est donc clair.
Pas de militaire au directoire du pont entre l’ère IBK et celle du futur nouveau président du pays. Les 14 chefs d’Etat de la CEDEAO ont donc hier 7 septembre lors de cette première rencontre physique depuis le Covid-19, enjoint le CNSP d’accoucher au pas de charge d’un président civil, d’un premier ministre civil d’ici le 15 septembre prochain !
Ni les concertations nationales, ni la libération d’IBK n’ont convaincu l’organisation sous-régionale à desserrer les dents concernant les nouveaux maîtres du Mali.
C’est vrai que ces décisions vont faire grise mine au Mali. Mais on peut tenter de comprendre la CEDEAO. Lors de son sommet en visioconférence, post-IBK elle avait conditionné la levée des sanctions imposées au Mali, à l’aune des bonnes dispositions du CNSP.
Certes, avec ces prétoriens, quadra et quinqua roués et instruits par de précédents putschs, il faut être précautionneux et il est de bon aloi que la CEDEAO tienne ces putschistes en kaki à l’œil, car c’est sûr qu’ils n’ont pas évincé IBK, pour ne pas goûter au pouvoir que certains ont côtoyé sans y être vraiment. Un coup d’Etat rondement mené, correctement conduit, sans aucune difficulté majeure, sans crainte de sanctions, sans peur de se faire taper sur les doigts peut s’avérer dangereux pour le reste de la sous-région. Car on sent souvent un CNSP dilletant à dessein pour gagner du temps et parer aux éventualités. Des militaires, assis dans les casernes, qui verraient ce coup passer comme une aiguille dans une porte de deux mètres de diamètre pourraient se voir développer des velléités très compromettantes pour la stabilité institutionnelle de l’ensemble des pays membres de la CEDEAO.
Déposer un président dans l’exercice de ses fonctions par un moyen autre que les canaux prévus dans les lois fondamentales, et surtout par la voie militaire, est à bannir et à condamner avec la dernière énergie. Son embryon doit être étouffé dans l’œuf pour ne pas le laisser prospérer. Et en cela, les chefs d’Etat ont sans doute trouvé des arguments pour ne pas délier la corde de leur fermeté et des sanctions formulées contre le pays.
Soit. Toutefois, il faudra être réaliste. Le Mali est dans une situation intenable. Il est pris en tenaille entre des institutions et une économie atteintes de la danse de Saint-Guy et une déstabilisation sécuritaire qui frise la gangrène désespérée. Maintenir des sanctions qui plus est économiques et financières, un embargo qui ne dit pas son nom, dans ces conditions peut s’avérer très dangereux pour ce qui reste de la stabilité de cette contrée. Hier justement à Niamey, les chefs d’Etat ont semblé oublié que ce coup de force a été perpétré, avec la bénédiction de Maliens, notamment le M5, même si la soldatesque a brûlé la politesse aux ouailles de l’imam Mahmoud Dicko.
Et même si les dirigeants de la CEDEAO veulent accentuer la pression, le 15 septembre comme ultimatum, paraît une date butoir irréaliste et inténable.
A titre de comparaison, le Burkina Faso en 2014 a mis deux semaines pour tricoter la charte de sa Transition. Le Mali n’a eu qu’une journée, celle du 5 septembre dernier pour faire les amendements sur les TDR de sa feuille de route, et aura encore 3 jours (10-13 septembre) pour produire la monture définitive qui servira de base à l’ébranlement de ce régime intérimaire, soit pour le moment 4 jours. C’est insuffisant !
L’injonction de la CEDEAO paraît un tantinet inopportune et dangereuse, car elle équivaut à pointer un pistolet sur la tempe d’Assimi Goïta lequel doit raquer rapidement un pouvoir intérimaire civil.
Il ne faudrait pas oublier qu’il est question de dessiner, une bonne fois pour toutes, les bases du nouveau Mali. A quoi bon rafistoler, colmater pour revenir trois ou quatre ans plus tard à d’autres velléités du putsch ou d’appels à la démission ? Tant qu’à faire, le coup d’Etat est consommé, le Mali est englué dans une kyrielle de crises, quelques jours de plus pour affiner les choses, valent mieux, que faire tout dans la précipitation et la frilosité, pour répliquer les mêmes travers qui font le terreau de ces coups d’Etat à répétition au Mali. Deux putschs en 8 ans, avec toujours les mêmes problèmes sous-jacents !
Un président civil le 15 septembre, pour quoi faire d’ailleurs ? Sera-t-il un démurge pour résorber tous les problèmes entassés au bord du Djoliba et dans les sables de Gao, Tombouctou, Kidal ? Pas évident ! Le retour du Mali vers un futur meilleur et consolidé vaut bien quelques jours d’exécutoire, car ces concertations nationales ont aussi valeur de catharsis .
Ahmed BAMBARA
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