Violent vaudeville électoral comme (presque) en 2010 en Côte d’Ivoire : La démocratie occidentale n’est pas bonne pour l’Afrique

Violent vaudeville électoral comme (presque) en 2010 en Côte d’Ivoire : La démocratie occidentale n’est pas bonne pour l’Afrique

A quelques exceptions près, le scénario de 2010 se redessine en Côte d’Ivoire. Un seul pays. Mais deux présidents. A la différence de la décennie où les deux aspirants au pouvoir réclamaient leur légitimité des urnes, ceux qui prétendent au fauteuil présidentiel s’appuient sur des fondements différents.

 Alassane Dramane Ouattara brandit les résultats de la Commission électorale indépendante (CEI), qui lui a «taillé» un score qui doit certainement le gêner aux entournures. 94% à hauteur d’homme !!! C’est un nombre qu’on avait l’habitude de voir dans les républiques bananières et dans les dictatures «démocratisées», où le vernis de l’apparente démocratie cachait des situations, des actes et des comportements aux antipodes de ce principe de gouvernance.

De l’autre côté, Henri Konan Bédié et toute la galaxie de l’opposition politique ivoirienne, se targuent du fait que les Ivoiriens ont boycotté l’élection présidentielle du 31 octobre 2020. Ce qui constitue, de fait, un désaveu de l’autorité, de la popularité,  de la légitimité et même de la légalité de la présidence d’Alassane Ouattara. Sur la base de tous ces points, le sphinx de Daoukro est le président du Conseil national de la transition, deuxième pouvoir donc en République de Côte d’Ivoire.

Les acteurs politiques ont fait le choix de reconduire encore leur pays sur une voie déjà empruntée en 2010, mais aussi par d’autres nations africaines. Comme Jean Ping au Gabon, Maurice Kamto au Cameroun. Henri Konan Bédié et compagnie sont en train de perpétuer cette nouvelle «race» de contestation des élections présidentielles en Afrique.

Une façon de faire qui constate l’échec des mécanismes électoraux dans plusieurs pays africains. L’armada juridictionnelle mise en place pour endiguer les crises, les constations et les complaintes issues des élections ne tiennent pas. Mais comment s’en étonner si, comme par exemple en Côte d’Ivoire, la commission électorale et le conseil constitutionnel sont considérés comme gangrenés par le parti au pouvoir, le président ou le gotha qui organise les élections ? Il est difficile de faire confiance au comportement d’une juridiction si l’on sait que ses capitaines sont acquis aux ordres de son adversaire. D’où donc le saut dans des charriots en pleine course, au risque de se briser les dents !

Ce qui se passe en Côte d’Ivoire est aussi la résultante d’un manque d’envie de se conformer aux règles de la démocratie. On adore la démocratie mais rebute ses règles. Certes depuis les lointaines conférences nationales souveraines, accouchées au forceps au lendemain du discours de la Baule, la démocratie s’est ancrée en Afrique, avec des fortunes diverses.

Multipartisme intégral, élections, création des fameuses CENI, ces commissions électorales indépendantes censées combler la partialité des ministères de l’Administration, liste électorale claire, et surtout transparence du processus électoral en amont et en aval… tout a été inventé pour avoir ce qui constitue la clef de voûte de toute démocratie : des élections transparentes et leurs corollaires, l’alternance.

Mais voilà, si ces scrutins se sont installés en Afrique, allongeant le nombre d’alternance, on a la vague et fâcheuse impression qu’insidieusement cette démocratie en Afrique est en train de se pervertir. La faute à qui ? Aux dirigeants politiques, pouvoir et opposition !

Les acteurs politiques, en particulier ceux qui tiennent le pouvoir acceptent désormais toutes les règles de la démocratie, parce qu’ils en maîtrisent tous les rouages, et peuvent donc ainsi les pervertir et les dévoyer.

Mais il y en a une aujourd’hui, avec les cas guinéen et ivoirien, il y a une règle qui donne du fil à retordre aux politiques :

Le niveau d’acceptabilité d’un scrutin ! Quelle est la norme, le seuil de transparence, qui fait qu’un vote est accepté ?

Le 18 octobre dernier, c’est cette norme qui a accompagné la tension en Guinée déjà existante depuis la velléité du 3e mandat d’Alpha.

En Côte d’Ivoire, outre ce score de 94% qui fait sourire, le processus vicié jette le discrédit sur la normalité du scrutin.

Au-delà de cette question nœudale, se pose la problématique de la démocratie en Afrique.

Faut-il la faire à l’occidentale, avec Rousseau et Montesquieu ? Ou y intégrer des ingrédients tropicaux ? Car chacun parle d’élections transparentes, libres et acceptées, mais personne ne veut suivre le chemin qui y mène. Chacun évoque la limite des mandats présidentiels, mais veut toujours un bonus, (un 3e mandat) pour terminer ses chantiers !

Conséquences : outre cette condescendance de l’Occident envers l’Afrique, grand gamin immature, s’ajoute le fait que la démocratie d’origine grecque est hellène, la «démocrature» africaine. L’Afrique devrait alors se forger ses propres règles démocratiques, calquées sur des modèles d’empires ou de royaumes, qui jadis marchaient bien ! Ou alors jouer à fond celle occidentale, quitter ce ni pain, ni mie. Revenons au bord de la lagune Ebrié :

A présent que la Côte d’Ivoire a deux présidents, avec la différence que Henri Konan Bédié n’est pas esseulé comme Maurice Kamto ou Jean Ping, mais s’appuie sur tout un conglomérat, que pourrait renfermer comme risques son éventuelle arrestation ?  Jusqu’à quel point Alassane Ouattara s’est-il préparé pour faire face à un risque de déflagration aux envergures non maîtrisables ? Est-il prêt et ceux de l’opposition aussi à rééditer la tragédie de 2010 ?

Ahmed BAMBARA

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