XVIIe sommet de l’OIF en Arménie : Le match en jupons d’Erevan  n’aura pas lieu

XVIIe sommet de l’OIF en Arménie : Le match en jupons d’Erevan  n’aura pas lieu

Michaëlle Jean et Louise Mushikiwabo n’ont rien de deux virages et pourtant, un combat quoique déblayé mais épique et tendu va les opposer demain 12 octobre pour le poste de secrétaire général de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF). En effet dans ce pays à la francophilie, bien ancrée, mais non francophone même si les universités d’Erevan et d’Anatole France, tracent leurs sillons, seuls l’Arménien et le Russe sont couramment parlés, dans cette Arménie de Charles Aznavour, le plus francophone des Arméniens donc où se tient ces jours 11 octobre et demain 12, le 17e jamborée de l’OIF, on parlera des 900 millions de personnes des 84 pays qui constituent l’OIF. On évoquera l’avenir de ces 14% de la population mondiale, de cet espace et de ceux qui frappent à la porte, bref de l’avenir de cette communauté de langue, et de multiculturalité.

Mais ce qui pimentera cette 17e ode à la fille de l’ACCT, ce sera l’élection de la future patronne de l’institution. Qui de Michaëlle Jean et Louise Mushikiwabo aura la faveur des votants ? Poser cette question à la veille d’une élection où depuis le mandat de l’affable Abdou Diouf, le consensus a toujours prévalu et surtout au vu des derniers évènements, peut paraître sans objet. Jusqu’au 24 mai 2018, Michaëlle Jean était donnée favorite et tenait la corde pour se succéder à elle-même. Mais ce jour-là, lors du Salon Viva Technology à Paris, le goût sucré du l’érable qu’elle sentait dans sa bouche depuis 2014 s’est un peu transformé en sensation amère sur ses papilles gustatives. C’est cette date fatidique qu’ont choisi Paul Kagame, le président rwandais et son homologue français Emmanuel Macron pour officialiser le dossier de Louise Mushikiwabo. C’était l’aboutissement d’une diplomatie souterraine savamment orchestrée par le président français, qui va du sommet de Bruxelles consacré au G5-Sahel au Salon de Viva Technology de Paris en passant par le sommet du Fonds bleu du bassin du Congo de Brazzaville. Avec des médiateurs attitrés tels que le rwandologue, Maurice Levy, ex-patron de publicis ou carrément le souverain alaouite du Maroc M6 en personne qui ont convaincu les réticences et la méfiance d’un Paul Kagame.

Résultat: voilà la ministre des affaires étrangères du pays des mille collines, où certes le français qui est une langue officielle côtoit le kinyarwanda, et le swahili, et surtout l’anglais, mais un pays, qui entretient des relations plus que sensibles avec la France, où il n’y a pas d’ambassadeur hexagonal, et où on attend toujours, une reconnaissance de sa responsabilité dans le génocide de 1994.

Et pour ne rien arranger pour la SG sortante de l’OIF, son pays le Canada l’abandonne à la veille d’une telle bataille, pour raison d’Etat, notamment pour gagner sa place, comme membre non-permanent du conseil de sécurité en 2020 ou 2022, et l’arrêt de l’Arabie Saoudite de toquer à la porte de l’OIF, une demande d’adhésion de Ryad qu’insupporte le Canada.

Ainsi le paysage avant ce duel feutré, mais très dur, est le suivant :

– d’une part, Michaëlle Jean seule contre tous quasiment, arc-boutée à son opiniâtreté, sa conviction, et  son bilan et son innocence aussi, car au fond, on n’a pas grand chose à lui reprocher. Une ex-gouverneure générale du Canada qui in petto, espère que le consensus ne prévaudra pas, et que le huis-clos des chefs d’Etat aboutira à un vote à bulletins secrets, d’où on ne peut jurer de rien. Du reste, c’est une mésentente des Africains en 2014, qui l’avait propulsée à la tête de l’OIF, aidée  il est vrai à l’époque par François Hollande.

– d’autre part, Louise Mushikiwabo, derrière laquelle ont fait chorus, les 54 Etats africain, c’est-à-dire l’UA, la France, et même le Canada. Un parachutage sous de bons auspices, et à moins, de dissensions au niveau des membres de l’UA, la chef de la diplomatie rwandaise est assurée de l’emporter.

C’est pourquoi, le match en jupons d’Erevan de demain 12 octobre 2018  pourrait ne même pas avoir lieu, faute de rivales égales, les forces en présence sont tellement disproportionnées, que le consensus devrait s’imposer. Au-delà de ces deux dames, c’est deux puissances, la France et le Canada qui s’affrontent, en utilisant l’Afrique. Deux rivales, et deux principaux pourvoyeurs du Budget de l’OIF (14,6 millions d’Euros pour la France et 11,3 millions d’Euros pour le Canada), qui font presque jeu égal : l’une a sa candidate certaine d’être élue, l’autre d’obtenir sa place au Conseil de sécurité de l’ONU, et d’écarter momentanément l’Arabie Saoudite.

L’Afrique dans tout ça ? Pour une fois qu’on aura les devants d’une organisation internationale, pourquoi éructer contre la manière de l’obtenir, et l’origine du pays de l’impétrante. Encore que ce n’est pas un poste imérité pour Louise Mushikiwabo qui a la tête sur les épaules.

Zowenmanogo ZOUNGRANA

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